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LICENCIEMENTS MASSIFS ET PROBLÉMATIQUE FONCIÈRE: LE SECTEUR EXTRACTIF LOCAL AU BANC DES RÉCUSÉS.

S’IL VOUS PLAÎT, MONSIEUR LE PRÉSIDENT !

Le 23 septembre 2014 alors que vous veniez à peine de faire deux ans à la tête du pays, je vous interpellais comme Danièle Gilbert l’avait fait du reste au Président de la République française d’alors, Monsieur Jacques Chirac. Dans un livre publié en 1996 intitulé « S’il vous plaît, Monsieur le Président », l’ex speakerine se plaçait ainsi dans la posture d’un tribun sur « les principales préoccupations de l’heure » du peuple français dans un genre épistolaire interpellatif assez persuasif. Aujourd’hui, 24 ans après, je m’autorise à en faire autant sur deux « préoccupations de l’heure » dans le 1er département minier du Sénégal. D’abord, pour implorer votre intercession, Votre Excellence, contre cette fâcheuse décision de la Direction Générale de la GCO de licencier 22 agents dans des circonstances particulièrement troubles et ensuite, sur le problème foncier de la Commune de MBORO dont le premier magistrat a habitué sa population d’une crise de désinvolture morale qu’aucun élu de l’Arrondissement de Méouane n’est capable de rivaliser.

Le lundi 17 août dernier, Monsieur le Président, la nuit fut très longue pour ces 22 pères de famille, agents de la GCO, à qui l’huissier de justice, Maître Abou Sall, venait de remettre leurs lettres de licenciements pour avoir participé à une « incitation à une révolte, et à une perturbation dans l’exécution du travail au sein de l’entreprise » et/ou « via un Groupe WhatsApp ». À l’origine, la longue grève de CIS, prestataire au restaurant de l’entreprise, au début du mois de juillet passé. Je ne doute pas, Monsieur le Président, que les bulletins et autres rapports qui vous sont déjà parvenus ont immanquablement rendu fidèlement les faits. Cependant, permettez que j’en mette une couche sans retouches subjectives. En vérité, il s’agit d’un mouvement d’humeur d’agents de la GCO lorsque le repreneur (CIS) a décidé de ne plus assurer la restauration du personnel « confiné » dont le nombre avait, arguait-il, grossi à cause des mesures de quarantaine prises par la Direction. Qui n’aurait pas prêté une oreille attentive ou aura mis trop de temps à réagir face aux multiples complaintes des agents et du restaurateur qui l’invitait à renégocier le contrat qui les liait. En effet, le Comité de riposte contre la pandémie de la GCO avait assujetti tout le personnel à un strict protocole sanitaire. Lequel plaçait en quarantaine dans une zone barricadée au sein de l’entreprise tout agent qui revenait de repos. 

Le 16 juillet dernier, n’ayant pas apprécié le rassemblement à l’improviste d’agents aux ventres affamés à qui l’entreprise (non le restaurateur) venait d’offrir des sandwiches impropres à la consommation car préparés par des agents avec aucune qualité culinaire, la main du Directeur Général de la GCO, Monsieur Michel Privé, fut excessivement lourde, Monsieur le Président, au regard du contexte (COVID-19) durant lequel « l’Afrique du Sud et l’Inde ont suspendu temporairement leurs activités minières et métallurgiques » à cause d’un avenir incertain lié à la pandémie, informait Mme Christel Bories, PDG du Groupe Eramet propriétaire de Tizir qui contrôle la GCO à 90%. Sa sanction disproportionnée n’épargnera même pas des agents dont la « faute grave » commise est leurs propos tenus dans un Groupe WhatsApp. Des propos mis au conditionnel que Monsieur Privé lira comme des manquements aux dispositions du « règlement intérieur en ses articles 8 et 9 » sans également tenir compte de la gravité du préjudice sanitaire subi par le personnel. Pour tout bonnement décider de les placer dans la précarité avec tous les dommages collatéraux qu’implique sa rigueur inutile qui se désolidarise du Plan de solidarité exceptionnel mis sur place par le Groupe Eramet depuis la pandémie du Coronavirus. S’il vous plaît Monsieur le Président, intercédez en faveur de ces braves pères de famille, faites-le aussi pour leurs femmes, leurs enfants et leurs parents. Bref, pour toutes ces nombreuses personnes dont le bien-être est suspendu au travail de ces 22 hommes. Monsieur le Président, je quémande votre intervention et vous supplie de faire reprendre ces 22 pères de famille dont la démarche contestable aurait dû bénéficier tout de même de circonstances atténuantes. Je vous dispense de toutes ces preuves qui auraient pu mieux vous convaincre des manquements de la Direction sur les conditions d’hébergements et de restauration de tous ses agents confinés au mépris des Priorités du Groupe Eramet contenues dans son Communiqué du 27 mars 2020 qui dit : « mettre en place et faire respecter toutes les mesures strictes de sécurité sanitaire… les mesures pour le respect des consignes de distanciation et d’hygiène pour protéger la santé de nos collaborateurs, sous-traitants, prestataires et fournisseurs, qui poursuivent leurs activités ». 

Affamés et piégés par les eaux jusque dans leurs « chambres », ces 22 travailleurs n’auront, selon le Directeur Général, jamais raison d’avoir exigé de meilleures conditions de restauration sous la menace de mettre fin au « confinement volontaire ». En effet, Monsieur le Président, rappelez au Directeur Général de la GCO que Madame Christel Bories, PDG du Groupe Eramet dont la GCO est la filiale sénégalaise, annonçait récemment qu’au « Sénégal, la production des sables minéralisés a été maintenue en continu grâce au confinement volontaire des équipes de notre mine ». Et d’ajouter que : « les ventes ont augmenté de 13% au 1er semestre reflétant la bonne demande en produits de notre filiale, la GCO ». Question : de quel article contenu dans le Règlement Intérieur de la GCO se prévaudra son Directeur Général pour refuser la demande de déconfinement du personnel comme Mme Bories l’a clairement exprimé, à savoir que le confinement est volontaire ?

En Novembre 2010, la Direction des ICS avait pris la même terrible décision contre 43 travailleurs pour avoir disait-elle abandonné leurs postes suite à un rassemblement du Syndicat dont ils étaient affiliés. Ce fut un licenciement massif douloureux définitif pour 41 agents dont certains étaient à moins d’une année de la retraite. Coordonnateur du Collectif des Étudiants de Mboro à l’époque, nous avions été rencontrer des imams et le clergé à l’effet d’initier une médiation, infructueuse au finish. Je passerai sous silence le drame social dont je suis témoin dans de nombreuses familles. Des couples séparés et de nombreux enfants dont la scolarisation et le développement psychoaffectif ont été fortement perturbés. Et dans la dignité, d’autres auront plus ou moins mieux survécu à cette perte brusque d’emplois. Toutefois, Monsieur le Président, aucun don de paralogisme ne peut vous peindre ce tableau morne, laid et sans âmes d’honnêtes mineurs et d’innocents mineurs. Le volume de larmes versées durant ce licenciement massif au cours duquel plus d’une quarantaine de mineurs se sont subitement retrouvés sans emplois aurait pu déborder le trop sec Lac Tanma. 

C’est la raison pour laquelle, lorsque la nouvelle du licenciement de ses 22 agents de la GCO me fut parvenue dans la nuit du lundi 17 août dernier, je ne fus point capable de gestes ni de paroles. Je fus atteint et éteint. J’eus aussitôt une pensée affligée pour les familles de ces pauvres agents dont le seul tort aura été la réclamation de l’arrêt de la mesure de « confinement volontaire » après que la société ait failli à ses engagements basiques pendant plusieurs jours. Monsieur le Président, je ne doute pas que vous laisserez parler votre humanisme pour que plusieurs dizaines d’enfants et d’épouses puissent retrouver le sourire. Rien n’égale un drame social ! Et bien entendu, rien n’égalera votre bénévolence qui, seule, semble pouvoir l’anéantir! S’IL VOUS PLAÎT, MONSIEUR LE PRÉSIDENT ! Des bonnes volontés dont Monsieur Magor Kâne, Honorable Haut-Conseiller et Maire de la Commune de Darou Khoudoss, n’ont pas perdu de temps pour tenter de faire revenir la Direction de l’entreprise sur sa décision manifestement trop sévère et aux ramifications lourdes de conséquences sociales dramatiques.

(Première partie)

 

Parlons foncier ! À la base un découpage foncièrement injuste, indigeste, incohérent et affreusement désastreux pour la Commune de Mboro. Au regard du caractère essentiel de cette « préoccupation de l’heure » à Mboro, il est possible que je déplaise en tentant de refléter la profondeur du mal. Mais, je vous garantis que je m’efforcerai à puiser dans mon répertoire lexique le phrasé plus fidèle possible. En effet, à côté des rapports d’informations administratives, de bien nombreuses sorties médiatiques et de fortes mobilisations sociales ont pu mieux vous sensibiliser sur cette terrible incohérence territoriale que votre Acte 3 avait promis de corriger. Grâce particulièrement aux initiatives de la Plateforme MBORO SOS, les autorités administratives l’ont aussi été mieux sur la nécessité de procéder à un nouveau découpage grâce à un plaidoyer citoyen fort médiatisé. Je puis tout de même reconnaître que les premières démarches pour la correction des limites de notre Commune avaient démarré avec le premier maire de Mboro dont on pense l’illettrisme être la cause principale de ce fameux découpage. Cette opinion n’est pas très proche de la réalité, avouez-le Monsieur le Président ! Et j’estime l’avoir assez clairement démontré, à plusieurs reprises, à chaque accusateur qui, de bonne foi, aura placé le facilitateur de cette opération de morcellement sur le dos du pauvre. Comment peut-on évoquer la responsabilité d’un maire sur un découpage intervenu le 21 février 2002 avant son élection qui a eu lieu le 12 mai 2002 ? Tout comme l’ex PM, Monsieur Idrissa Seck, à qui l’on a prêté un rôle dans le sens de dénuder Mboro pour costumer Darou Khoudoss? Peut-être que oui. Peut-être, non. Nonobstant son influence indiscutable au moment des faits, Monsieur Idrissa Seck en sa qualité de Directeur de Cabinet du président de la République d’alors que je sache, n’avait pas cette prérogative. Le Président, oui !

 

En toute logique, ce triste découpage qui a dépossédé la Commune de Mboro de toute sa superficie d’antan ne pouvait espérer la bénédiction d’un fils du terroir en connaissance de cause. Pour avoir été partisan d’un tel crime en tant que fils de Mboro, il fallait ignorer les enjeux de la décentralisation et les perspectives de développement de la nouvelle Commune urbaine. Monsieur le Président, je reste alors convaincu que quelques détails de ce découpage que vous tardez à corriger vous échappe. L’État aurait dû laisser à Mboro une superficie conséquente afin de lui permettre de mieux garantir ses impératifs de développement social et économique ; au lieu de créer la Commune la plus vaste du Sénégal (Darou Khoudoss) à partir de la Commune de la moins vaste (Mboro). Quand nous nous mettons dans un exercice de comparaison entre les deux communes, on s’étonnera davantage des incohérences qui ont toujours résisté à nos nombreuses complaintes. 

Mais, pour ce papier, j’ai décidé d’étudier le problème à l’aune des concessions minières. La Commune de Darou Khoudoss est composée de 68 villages en plus d’une centaine de hameaux sur une superficie de 520 km² avec une population de plus de 66 601 habitants (ANSD). Pendant ce temps, Mboro qui est à plus de 50 000 habitants, a une superficie de moins de 4km² pour un taux annuel de croissance démographique de près de 10%. Toutefois, Monsieur le Président de la République, sur les 520km² de superficie, il est important de vous rappeler que la Commune de Darou Khoudoss n’en dispose que moins de la moitié. Première commune minière du Sénégal en termes d’implantation et de production, la concession minière y a fortement entamé ses ressources foncières avec des territoires concédés cumulés de l’ordre de 229,43 km². Il s’agit en tout, des ICS qui sont implantées sur un domaine de 101,27 km² tandis que la GCO s’est installée sur 113,22 km², Africa Energy (6,91 km²), la Centrale Électrique (3,53 km²) et l’Industrie Africaine de Verres (IAV-SA) sur 4,5 km². 

Les zones classées sont de 222,58 km², pour un total de périmètre de restauration de 168,68 km² rien que dans la Commune de Darou Khoudoss. Le dynamisme inhérent au secteur extractif marqué par une progression boulimique se moque du patrimoine foncier dont « l’État et les Collectivités Territoriales ont l’obligation de veiller à la préservation ». Dans un tel contexte, observer les ICS tenter de prendre aux paysans de Tobène leurs champs sans satisfaire à leurs exigences minimales ne fait que renforcer la suspicion d’accaparements de terres par les grandes compagnies sur fond de forcing préjudiciable à la cohésion sociale. S’il vous plaît Monsieur le Président, revoyez tout ce désordre. Aussi, votre Projet de décret modifiant la Loi N° 72-1288 du 27 octobre 1972 sorti le mercredi 12 août 2020 relatif aux conditions d’affectation et de désaffectation des terres du domaine national comprises dans les communes vient-il à son heure. 

Saviez-vous que les ICS ont une concession de 30 000 hectares ? Et que la GCO s’étend sur un domaine de 44 500 hectares ? Pensez-vous, Monsieur le Président, laisser encore Mboro s’étouffer dans sa piètre superficie de 310 hectares et les autres communes de la zone dans cette situation aussi injuste au mépris de la cohérence territoriale à laquelle vous avez appelé ? Sur la base de ce Projet de décret, je vous rappelle la nécessité de déclasser le périmètre de restauration des Niayes (45 000 hectares) dont l’arrêté est signé le 04 avril 1957 par Auguste Michel Marie Pierre Lami, Administrateur colonial du Sénégal (Gouverneur), au profit des communes qui ceinturent les concessions.

Dans ce contexte de conflits fonciers marqués par les 6 hectares litigieux entre Tobène et les ICS, la dépossession des terres des paysans de Ndingler par le milliardaire sénégalais, Monsieur Babacar Ngom de la SEDIMA et plus globalement sur l’affaire du « bradage du littoral dakarois », l’imam aux publications controversées, Amadou Makhtar Kanté, avait laissé un commentaire que j’avais trouvé pertinent sur l’affaire SEDIMA-NDINGLER. Dans son commentaire, l’imam avait ainsi donc prôné une meilleure implication des populations avec des consultations locales afin de mieux motiver les délibérations des Conseils municipaux. Sa préoccupation qui obéissait à un souci de transparence foncière est aussi exigible dans cette partie de la zone des Niayes où la question foncière plomb l’atteinte des ODD, aiguise aussi des appétits et autres enjeux spéculatifs. De tout temps, nous avons constaté que la gestion du foncier y pose plus de problèmes qu’elle n’en résout avec des démarches spéculatives et des suspicions d’accaparements légitimement grandissantes. 

La principale cause serait sans nul doute l’épuisement des réserves foncières. Par exemple, sur les 310 hectares de superficie de Mboro, Monsieur le Président, les 280 hectares qui étaient réservés à l’habitat sont totalement épuisés à la suite d’un morcellement aux attributions injustes et irréguliers intervenues il y a juste quelques mois. Devant ce tableau surréaliste et lugubre, dire que Mboro étouffe relève de l’euphémisme.

S’il vous plaît, Monsieur le Président ! Pensez corriger cette incohérence avec une implication lucide des acteurs issus des communes dont les maires ont l’obligation et la possibilité de mieux appréhender le principe de l’Entente Intercommunale (EIC). Le dynamisme de la société civile locale fait qu’il a été maladroit de se passer d’elle lorsque le Préfet, avait convoqué une réunion afin de discuter des possibilités d’extension de la Commune de Mboro. Le « consentement libre et motivé » des populations sur toutes les questions foncières est un préalable indispensable comme recommandée par l’association LEGS-Africa dans sa déclaration du 13 juin 2020 suite à la même affaire du « bradage du littoral » de Dakar en particulier et des accaparements de terres constatés un peu partout dans le pays. Votre audit foncier à travers la CNRF vous oblige à assumer toutes les conséquences de ladite étude. J’espère aussi, Monsieur le Président, que ce travail à la fois pénible et périlleux devra impérativement vous aider à mettre à notre disposition toute la cartographie foncière avec la ferme volonté de déposséder toute attribution incriminée de fraude. S’il vous plaît, Monsieur le Président !

PS : J’aurai pu y ajouter cette autre lancinante question qu’est la distribution de l’eau marquée par une gestion anachronique de la société Aquatech-Sénégal. Cependant, puisque vous avez déjà donné des directives au Ministre de tutelle lors du Conseil des ministres tenu le 05 août 2020, j’ai pu comprendre que le cri de détresse vous est parvenu et me suis résigné à l’occulter pour avoir compris qu’une suite sera donnée à cette requête unanimement portée par la population de Mboro : le départ de cette société qui aurait été attributaire de la concession au détriment de seize autres soumissionnaires. Sauf votre respect, Monsieur le Président, il y a fraude sur la marchandise hydraulique que vous vous êtes fait livrer par le Canada. Faites résilier ce contrat, s’il vous plaît ! (suite et fin)

Ndiaga NDIAYE

Président de MBORO DEBOUT

Membre fondateur de la Plateforme MBORO SOS

Membre du THINK TANK Panafricain, LEGS-Africa.

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